Les données recueillies à partir d’un système de géolocalisation sur un véhicule de fonction peuvent-elles être utilisées à l’appui d’un licenciement ?

Les faits :

Un travailleur, délégué médical par une entreprise pharmaceutique, disposait d’un véhicule de fonction. L’utilisation de celui-ci à des fins privées était autorisée mais impliquait un remboursement dans le chef du travailleurs pour les frais liés à ses déplacements privés.

L’employeur avait installé, tout en veillant à en informer le travailleur, un système de géolocalisation dans le véhicule de fonction.

Sur la base de constats posés grâce à l’exploitation du système de géolocalisation, une procédure disciplinaire avait été ouverte à l’encontre du travailleur. L’employeur lui reprochait d’avoir : (1) majoré le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel afin d’y diluer les kilomètres parcourus dans le cadre de déplacements privés pour ne pas avoir à les rembourser ; (2) manipulé le GPS ; (3) des erreurs quant au respect du temps de travail.

En raison de ces faits considérés comme établis, le licenciement du travailleur a été décidé par l’employeur.

Le travailleur a contesté ce licenciement et avançait notamment que le système de géolocalisation était illicite.

Cette argumentation n’a pas été accueillie favorablement par les juridictions portugaises et la validité du licenciement a été confirmée.

Le travailleur a saisi la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant notamment la violation du droit au respect de la vie privée. Selon lui, le traitement de données de géolocalisation obtenues à partir du système GPS installé sur son véhicule de fonction et l’utilisation de ces données pour fonder son licenciement ont porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée.  

La décision :

La Cour analyse si  une mise en balance des intérêts a été effectuée, à savoir entre le droit du travailleur au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime poursuivi (le contrôle des dépenses).

La Cour relève que :

  • Le travailleur avait été informé du fait que son véhicule serait équipé d’un dispositif GPS. Il avait signé un document à ce sujet dans lequel il était précisé ce système visait notamment à contrôler les kilomètres parcourus et qu’une procédure disciplinaire pourrait être engagée sur la base des constats du GPS.

Il savait donc que l’employeur avait installé un système GPS sur son véhicule dans le but de contrôler les kilomètres parcourus :

  • Aucune contestation relative aux données provenant du GPS ni aux différences entre les déplacement (kilométrage déclaré et constat du GPS) n’a été formulée par le travailleur.
  • La diffusion des données recueillies par l’intermédiaire du GPS était limitée, seule quelques membres de l’entreprise y avait accès.

Dans ces conditions, la Cour constate qu’il n’existe aucune violation du droit à la vie privée.

En conclusion et par cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle la légalité du système de géolocalisation et l’usage des données recueillies pour autant que certaines conditions soient remplies, notamment : l’information, la transparence, la finalité, le but légitime et la proportionnalité de la mesure.  

Source : C.E.D.H., 13 décembre 2022, Req. N°26.968/16 (Affaire FLORINDO DE ALMEIDA VASCONCELOS GRAMAXO c. Portugal) – https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22itemid%22:[%22001-221474%22]}