
Par un jugement du 16 août 2022, le Tribunal du Travail d’Anvers – division Anvers rappelle deux éléments fondamentaux en droit du travail, mais souvent perdus de vue par les employeurs:
- ce qui est considéré comme du temps de travail;
- la rémunération de ce temps de travail, rémunération qui peut varier, pour autant que certaines conditions soient respectées.
L’ASBL A exploite un service d’ambulances. La majorité de ses travailleurs preste selon un système de 10 cycles de 24 heures par 4 semaines, avec encore deux jours situés lors des week-end, ce qui résulte en 11 à 12 cycles de 24h par mois, alors qu’ils sont rémunérés selon un salaire fixe basé sur des prestations de 38heures par semaine.
Les questions que le Tribunal doit résoudre sont les suivantes:
- Est-ce que le temps de garde auquel les ambulanciers sont sujets est du temps de travail ?
- Si tel est le cas, comment ce temps de travail doit-il être rémunéré?
Quant à la première des questions, le Tribunal passe en revue la jurisprudence de la CJUE (le temps de travail – au contraire de la rémunération de ce temps de travail – est en effet réglementé à l’échelon européen). Le Tribunal rappelle à cette occasion que le temps de garde est divisé, en deux grandes catégories : d’une part, le temps de garde qui exige la présence physique du travailleur sur le lieu de travail ou dans un lieu défini par l’employeur. Cette catégorie est entièrement du temps de travail. D’autre part, le temps de garde lors duquel le travailleur doit être joignable en permanence. Le Tribunal évoque l’interprétation européenne, suivie par la Cour de Cassation, selon laquelle cette catégorie de temps de garde constitue du temps de travail lorsque le travailleur doit être disponible de manière permanente, et qu’il est astreint à des obligations imposées par l’employeur quant au laps de temps dans lequel il doit reprendre le travail lorsqu’il est appelé, obligations qui limitent grandement la possibilité du travailleur de disposer librement de son temps lors des périodes pendant lesquelles aucune prestation ne lui est demandée. Si tel n’est pas le cas, seules les heures de prestations effectives sont considérées comme du temps de travail.
En l’espèce, les ambulanciers étaient astreints à rester sur le lieu de travail durant les périodes d’inactivité. Le fait que pendant ces périodes, ils pouvaient occuper leur temps comme bon leur semble (regarder la télé, lire, cuisiner) n’y change rien : dès lors que la présence sur le lieu de travail est imposée, il s’agit de temps de travail, conclut le tribunal. Il ajoute encore à cet égard que la liberté des ambulanciers d’occuper leur temps comme bon leur semble pendant ces périodes de garde est dans les faits très limitée, dès lors que ces ambulanciers doivent réagir immédiatement à tout appel de l’employeur, et intervenir aussi tôt que possible.
Ceci amène donc à la seconde des questions : comment ce temps de travail doit-il être rémunéré?
Le Tribunal rappelle tout d’abord que les temps de garde, même s’ils constituent du temps de travail, ne doivent pas forcément être rémunéré de la même manière que les prestations effectives. Cependant, pour instaurer une rémunération moindre pour ces temps de garde, il convient de respecter les normes supérieures relatives aux salaires.
Or, en l’espèce, le Tribunal constate que dans la CP 330.04 dont relève l’ASBL, aucune disposition sectorielle ne prévoit un salaire plus bas pour les temps de garde que le salaire minimum pour les prestations de travail. Par conséquent, c’est ce dernier salaire minimum qui s’applique, et le temps de garde doit donc être rémunéré comme toute prestation effective.
Take away
Si vous voulez instaurer un service de garde, soyez très attentif aux conséquences potentiellement très importantes. Un doute sur la manière de procéder? Nous sommes à votre disposition.
Jugement commenté : Tribunal du travail d’Anvers (div. Anvers), 16 août 2022, JTT 2023/5, p.69