
Même en mangeant une moule frites sur un cuistax à la Côte, on ne peut pas louper l’info : l’âge de la retraite fait débat chez nos voisins français puisqu’il envisagé de relever progressivement l’âge de la retraite à 64 ans (au lieu de 62 ans).
Et chez nous alors ?
La Belgique a franchi le cap du relèvement de l’âge légal à la pension depuis 2015. Actuellement, une personne peut partir à la pension lorsqu’elle a atteint 65 ans. Cet âge est relevé à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030.
Malgré les critiques, il est intéressant de recadrer ceci en s’attardant sur l’un ou l’autre point.
Le fait de prévoir un âge légal de la retraite n’empêche pas un travailleur de partir plus tôt à la pension. La Belgique dispose d’un système de départ à la pension anticipée (dont les conditions ont été durcies en 2015 en même temps que le relèvement de l’âge légal de la pension).
Ce système permet de partir à la pension avant 65 ans moyennant le respect d’une condition d’âge et d’une condition de carrière.
Actuellement, voici les conditions pour partir à la pension anticipée : 60 ans et 44 années de carrière / 61 ans et 43 années de carrière / 62 ans et 43 années de carrière / 63 ans et 42 années de carrière.
Sous cet angle, l’âge légal de la retraite peut donc être conçu comme une sorte de garde-fou vis-à-vis de tous les travailleurs, peu importe leur parcours professionnel : ils sont assurés de pouvoir partir à la pension à 65 ans (puis à 66 ans et 67 ans).
Actuellement, il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de faire marche arrière (ni de marche avant) en ce qui concerne l’âge légal de la pension.
Par contre, il ressort des discussions au sein de la Commission des Affaires sociales qu’un éventuel point de discussion serait de permettre à tous les travailleurs ayant commencé de travailler à 18 ans de prendre leur pension anticipée après 42 années de carrière. Ceci revient donc à permettre un départ à la pension anticipée à 60 ans si une carrière de 42 années est accomplie.
La viabiliquoi ?
Ces dernières années, la réforme des pensions (dont celle concernant l’âge légal de la retraite et les conditions pour partir à la pension anticipée) poursuivait notamment pour objectif d’assurer la viabilité du système des pensions. C’est d’ailleurs l’un des arguments qui est avancé chez nos voisins français pour justifier leur réforme.
Depuis plusieurs années, le constat est le suivant : notre système de pension est sous pression pour différentes raisons comme le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de pensionnés non compensée par l’arrivée de nouveaux travailleurs sur le marché de l’emploi, l’augmentation de la durée de vie, etc.
Assez basiquement, l’équilibre à avoir entre les travailleurs actifs et les travailleurs pensionnés est évidemment central puisque les pensions légales sont financées via un système de répartition (les travailleurs actuels financent les pensions d’aujourd’hui).
Malgré ceci, on pourrait se demander si l’objectif de viabilité est réellement admissible dans une réforme qui impacte un droit aussi important que celui de partir à la pension (et donc percevoir une pension de retraite), ou du moins s’il ne pourrait pas être atteint d’une autre manière.
A ce sujet, la Cour constitutionnelle s’est déjà prononcée.
En 2017, elle a considéré qu’il appartenait au législateur d’apprécier dans quelle mesure il est opportun d’adopter des dispositions en vue de réaliser des économies dans le domaine des pensions. A son sens, la réforme visant à relever l’âge légal de la pension et durcir les conditions pour partir à la pension anticipée poursuit un objectif d’intérêt général qui permet de préserver les finances publiques à long terme en tenant compte des coûts budgétaires du vieillissement de la population. Quant à la manière d’atteindre cet objectif, la Cour constitutionnelle a précisé qu’en étalant dans le temps la réforme et en prévoyant des mesures transitoires, le législateur avait recherché un équilibre qui n’était pas déraisonnable.
Et donc ?
Il n’y a malheureusement pas de secret … les réformes structurelles qui nous attendent en matière de pension auront vraisemblablement pour objectif de faire travailler plus longtemps via différents mécanismes.
Par exemple, il est toujours dans l’intention du Gouvernement de réinstaurer le « bonus pension » qui permet d’augmenter le montant de la pension de retraite pour les travailleurs qui pourraient partir à la pension anticipée mais ne le font pas. Il se discute également d’examiner la faisabilité de la pension de retraite à mi-temps. Une sorte de best of both world puisqu’une personne pourrait être pensionnée à mi-temps et travailler l’autre moitié du temps.
Inconnue dans l’équation ?
Actuellement, le montant d’une pension de retraite dépend principalement de la durée de carrière et de la rémunération.
Pour rendre le système plus « juste » aux yeux de certains, une idée pourrait être de prendre en compte la pénibilité du travail dans l’équation pension. Durant la précédente législature, des discussions avaient d’ailleurs été entamées pour définir les critères d’un « travail pénible ».
En effet, même si les mesures en matière d’âge légal de la retraite ou de départ à la pension anticipée ont été prises pour protéger le système des pensions, il n’en demeure pas moins qu’un départ à 67 ans lorsqu’on exerce un métier par exemple physique ou manuel est sans doute difficile à envisager pour un travailleur (et sa famille).
La prise en compte de la pénibilité pourrait également s’accompagner de mesures de fin de carrière spécifiques permettant de trouver un juste milieu entre une profession jugée « pénible » et une reconversion plus douce à partir d’un certain âge en vue de terminer sa carrière en douceur sans pour autant changer de métier, d’employeur ou de cadre de travail.
Les élections fédérales sont dans un an … il reste donc 12 mois pour voir si ces quelques lignes ont été écrites avec une ou plusieurs boules de cristal et si la future réforme suscitera un kamehameha aussi fort que chez nos voisins.