
C’est la question que le Tribunal du travail de Liège a eu à trancher dans son jugement du 17 janvier 2022.
En l’espèce, un travailleur avait été licencié le 18 juillet 2018. Le 8 juillet 2018, alors que sa voiture de société était correctement stationnée, elle a été accidentée.
Considérant que l’accident avait eu lieu « lors d’un déplacement privé » du travailleur, l’employeur a retenu le montant de la franchise (750 EUR) sur l’indemnité de préavis de celui-ci, comme la car policy en vigueur au sein de l’entreprise le lui autorisait.
Le travailleur, estimant cette retenue contraire à l’article 23 de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération, a réclamé le remboursement de ce montant.
Dans le cadre de son analyse, le Tribunal rappelle, sur base d’un arrêt rendu précédemment par la Cour du travail de Liège (RG 8.110/2006) et de l’article 23 susdit, que la retenue d’une franchise sur de la rémunération protégée (telle que l’indemnité de préavis) ne peut avoir lieu que pour autant que :
- La responsabilité du travailleur soit démontrée (1) sur base de l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 si l’accident est intervenu dans le cadre professionnel (la preuve étant alors plus difficile à rapporter, la responsabilité du travailleur n’étant engagée qu’en cas de faute lourde ou de faute légère habituelle), ou (2) sur base de l’article 1382 du code civil si l’accident est intervenu dans le cadre privé.
- Les parties se soient mises d’accord, après les faits, sur le montant de la retenue.
Ainsi, le Tribunal rappelle qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’une faute dans le chef du travailleur (autant sur base de l’article 18 que sur base de l’article 1382 susvisés). Or en l’espèce, rien ne démontrait que le véhicule était mal stationné et donc une faute dans le chef du travailleur. L’employeur ne démontrait par ailleurs nullement qu’il avait préalablement informé le travailleur de la retenue qu’il allait opérer.
Il condamne dès lors l’employeur à restituer le montant de 750 EUR et observe, pour le surplus, le caractère disproportionné du montant retenu, une franchise auprès d’un garage agréé s’élevant généralement aux alentours de 400 EUR, et le surcoût lié au choix du garage ne pouvant être répercuté sur le travailleur.
Remarques :
- Le même raisonnement doit être tenu en ce qui concerne la retenue du montant d’une franchise (ou de toute somme qualifiée d’indemnité ou de dédommagement) sur la rémunération d’un travailleur toujours en service ;
- L’article 23 susdit limite également le total des retenues à 1/5ème de la rémunération nette due à chaque paie, sauf exception ;
- Le pécule de sortie du travailleur n’étant pas considéré comme de la rémunération protégée, les retenues ne sont pas limitées par la loi du 12 avril 1965 susvisée.
Encore faut-il toutefois que les montants retenus soient effectivement dus par le travailleur.
Source : Trib. trav. Liège (div. Liège), 17 janvier 2022, R.G. 19/1.543/A