
Madame P., aide-soignante, a été licenciée pour motif grave après avoir tenu – à deux reprises – des propos racistes au cours de conversations Messenger avec une collègue. En l’espèce, ces propos réduisaient un autre collègue, Monsieur R., à un statut de singe. La destinataire de ces propos, choquée, avait décidé de rapporter ceux-ci à sa hiérarchie. À la suite d’investigations internes, deux autres collègues de Madame P. avaient confirmé que cette dernière avait déjà tenu des propos similaires sur son lieu de travail.
Estimant que ces conversations relevaient de sa vie privée, Madame P. a contesté le bien-fondé de son licenciement pour motif grave. En première instance, le Tribunal du travail a suivi cette position.
En degré d’appel, la Cour du travail a réformé ce jugement et confirmé la régularité du motif grave, ainsi que l’utilisation de ces conversations Messenger. La Cour du travail a en effet constaté que la jurisprudence européenne protégeait largement la vie privée des travailleurs, mais n’interdisait néanmoins pas toute ingérence dans celle-ci, pour autant que les conditions de l’exercice de cette ingérence aient été communiquées, que l’ingérence soit justifiée par un but légitime et qu’elle soit proportionnelle.
Ces conditions étaient remplies en l’espèce. En effet, l’employeur devant garantir le bien-être de ses travailleurs, le but poursuivi était légitime. De plus, ces communications pouvaient difficilement être considérées comme strictement privées étant donné qu’il s’agissait de conversations entre collègues de travail, rapportées par l’une d’elles. Leur contenu était en outre lié au travail, de sorte que le critère de proportionnalité était lui aussi rencontré. Enfin, l’employeur avait communiqué des directives relatives à l’utilisation des réseaux sociaux et au respect des droits d’autrui par le passé.
Sur le fond, la Cour du travail a également confirmé la régularité du motif grave compte tenu de la gravité des propos tenus – qualifiés de racistes, haineux et avilissants réduisant le collègue de travail à un statut de singe – et de leur répétition, mais aussi des valeurs prônées par l’employeur, et de la fonction de Madame P. (aide-soignante), laquelle exigeait naturellement empathie et respect.
Une fois de plus, la Cour du travail confirme donc que l’utilisation des réseaux sociaux peut mener au licenciement d’un travailleur, rappelant que le droit à la vie privée n’est pas un droit absolu.
Source: Cour du travail de Liège, division Namur, 20/05/2021, R.G. 2020/AN/42