Dans un jugement rendu le 29 avril dernier[1], le tribunal du travail francophone de Bruxelles a rappelé la portée du principe de neutralité dans les services publics.
Les faits ayant donné lieu à la décision sont les suivants. La requérante, engagée comme nettoyeuse dans une maison de repos et de soins dépendante d’un C.P.A.S., se voit demander de retirer son voile pendant les heures de travail par son employeur. La travailleuse propose alors de remplacer le port de son voile par le port d’un bonnet, proposition refusée par le C.P.A.S.. Dans ce contexte, déplorant le refus de la travailleuse de retirer tout couvre-chef, l’institution met finalement un terme au contrat de travail de l’intéressée. Face à cette décision, la travailleuse introduit un recours devant le tribunal du travail francophone de Bruxelles et sollicite la condamnation du C.P.A.S. à une indemnité pour traitement discriminatoire, fondé sur sa conviction religieuse.
La travailleuse rapportant à suffisance des faits laissant présumer l’existence d’une discrimination en raison de sa religion, le C.P.A.S. est alors tenu de démontrer que la mesure n’est pas discriminatoire, ou qu’elle est raisonnablement justifiée par un objectif légitime.
A cet égard, le C.P.A.S. fait valoir que le principe de neutralité dans les services publics, principe de rang constitutionnel, permet de justifier la mesure prise à l’égard de la travailleuse. Le C.P.A.S. invoque également la « vulnérabilité » des résidents comme justifiant l’interdiction du port de signes religieux.
S’alignant sur la jurisprudence nationale et européenne en la matière, le tribunal rappelle que la légalité d’une restriction à la liberté de religion sur la base du principe de neutralité des services publics doit s’apprécier, notamment, à la lumière des tentatives réelles de conciliation ou de solutions recherchées par les parties.[2] A cet égard, le tribunal estime injustifié le refus du C.P.A.S. face à la proposition alternative de la travailleuse de porter un bonnet.
Enfin, quant à la « vulnérabilité » des résidents, le tribunal constate que, dans les faits, celle-ci n’est pas démontrée et qu’il s’agit en réalité de préjugés des résidents, qui ne sauraient en aucun cas justifier une discrimination.[3]
Par conséquent, le tribunal fait droit à la demande de la travailleuse, retenant l’existence d’une discrimination indirecte dans le chef du C.P.A.S.
[1] Trib. trav. fr. Bruxelles, 29 avril 2020, R.G. 18/2.253/A
[2] voy. en ce sens C.J.U.E., 14 mars 2017, Achbitac. G4S Secure Solutions, C-157/15, §43 commenté dans notre post du 17 mars 2017
[3] A contrario, la vulnérabilité suffisamment démontrée peut justifier une telle mesure, voy. Cour. Eur. D.H., Ebrahimian c. France, 26 novembre 2015, §§53 et 70