Dans le cadre d’appel d’offres, il arrive que le marché (privé ou public) soit composé de plusieurs lots en raison d’une localisation géographique différente des lieux où devront être réalisées les prestations demandées.
Cette situation peut engendrer des difficultés en matière de transfert conventionnel d’entreprise lorsque des travailleurs sont occupés sur plusieurs sites et que leur employeur vient à perdre le marché au profit de plusieurs adjudicataires. En effet, ni la convention collective de travail n° 32bis ni la Directive européenne n’envisage ce cas de figure.
La Cour du travail de Gand (section Gand) vient de saisir la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’application de la Directive européenne relative au maintien des droits des travailleurs dans une situation similaire.
L’affaire soumise à la Cour du travail peut être résumée comme suit:
Une société de nettoyage avait remporté un appel d’offres de la ville de Gand pour le nettoyage de trois « chantiers ». La gestion de ce marché avait été confiée à une travailleuse qui était occupée tant sur les chantiers concernés que dans les bureaux de la société.
Lors du renouvellement de l’appel d’offres, la société n’est pas retenue et les trois chantiers sont accordés à deux adjudicataires différents.
Deux questions se posent alors: est-ce que la gestionnaire de chantiers doit être transférée en application de la CCT 32bis et dans l’affirmative, à quelle société ?
L’employeur estime pour sa part que la société ayant remporté deux des trois lots doit reprendre la travailleuse concernée, alors que la société estime quant à elle que les conditions du transfert d’entreprise ne sont pas réunies.
La travailleuse se retrouve alors sans emploi et réclame devant le tribunal du travail une indemnité compensatoire de préavis tant à l’encontre de son ancien employeur qu’à l’encontre de la société ayant remporté deux des trois lots.
Le tribunal du travail ayant estimé qu’il n’y avait pas transfert d’entreprise, il condamna l’employeur à payer à la travailleuse une indemnité compensatoire de préavis.
Suite à l’appel introduit par l’employeur, la Cour du travail va avoir une vision différente de celle du tribunal du travail. Elle va en effet estimer que si les trois lots avaient été accordés à la société, elle aurait dû reprendre la travailleuse.
Mais la Cour se demande comment elle peut appliquer la Directive européenne (et donc la CCT 32bis qui la transpose) lorsque le transfert s’opère non pas entre deux sociétés, mais bien entre trois sociétés, entraînant de la sorte une division du contrat de travail à temps plein en deux contrats de travail à temps partiel.
S’agissant d’une interprétation de la Directive européenne, la Cour du travail a dès lors soumis le problème à la Cour de justice de l’Union européenne.
On notera enfin que si ce problème n’est pas réglé au niveau européen ou au niveau national, il l’est dans certains secteurs. Dans le secteur du nettoyage (CP 121), une CCT sectorielle prévoit que les ouvriers qui ne sont pas affectés exclusivement au marché repris, se verront proposés par l’entreprise sortante, un nouveau contrat de travail reprenant le nombre d’heures subsistant. Le secteur du gardiennage (CP 317) connaît également un régime particulier.
Source: C. trav. Gand, sect. Gand, 14 mai 2018, RG 2018/387, http://www.juridat.be