Handicap et aménagement raisonnable : l’employeur doit y mettre du sien

Dans une ordonnance du 9 mars 2018, le Président du Tribunal du travail de Liège rappelle les obligations à respecter par un employeur confronté à un(e) employé(e) handicapée au sens de la loi du 10 mai 2007 sur certaines formes de discrimination.

Les faits

Une statutaire travaille en tant que directrice financière d’une administration communale.

Elle subit un accident de la route et garde comme séquelles des douleurs chroniques ainsi qu’une maladie neuromusculaire. Elle demande à son employeur une dispense de service de deux demi-journées par semaine afin d’effectuer des soins indispensables à son état de santé.

Sa demande est acceptée dans un premier temps.

La mesure venant à échéance après quelques années, la travailleuse demande à l’employeur de prolonger l’aménagement, et de lui accorder également, en outre, deux demi-journées de télétravail par semaine.

Elle s’appuie notamment sur les recommandations du conseiller en prévention-médecin du travail, qui vont dans le sens de la prolongation des aménagements raisonnables accordés dans un premier temps.

L’employeur refuse. Il ne conteste pas le handicap, mais, en ce qui concerne la prolongation de la dispense de service à raison de deux demi-journées par semaine, il estime que cela ne se justifie pas. Quant aux demi-journées de télétravail, il considère que cela ne serait pas compatible avec la nature des fonctions à haute responsabilité de la travailleuse.

Cette dernière fait appel à UNIA, qui rappelle à l’employeur que le défaut d’aménagement raisonnable est assimilé à une discrimination sur la base du handicap. Divers courriers s’échangent et les points de vue se crispent.

Une action est introduite par UNIA, qui utilise l’outil de l’action en cessation. La travailleuse se joint à la procédure. Il est demandé non seulement la cessation du refus de l’employeur d’accorder les aménagements raisonnables demandés, mais aussi l’octroi de dommages et intérêts pour réparer le préjudice matériel et moral découlant du refus de l’employeur.

La décision

Le tribunal décide ce qui suit :

  • Il ne peut que constater l’existence d’une discrimination directe, puisque, bien qu’il ait toutes les informations à sa disposition, dont les recommandations du conseiller en prévention – médecin du travail, et alors que les aménagements demandés sont « tout à fait gérables », il refuse catégoriquement de les accorder.
  • Il ne peut que condamner l’inertie de l’employeur, qui se contente de refuser sans tenter de trouver une alternative concrète et respectueuse des droits et des intérêts de chacun.
  • Il en conclut que l’employeur devait être pro-actif en cherchant lui aussi des solutions et qu’à défaut de ce faire, l’employeur a commis un abus de droit.

Le tribunal ordonne donc la cessation de l’acte discriminatoire et condamne dès lors l’employeur à (i) autoriser la travailleuse à être dispensée de service à raison de deux demi-journées par semaine et à faire du télétravail à raison de deux autres demi-journées par semaine, sous astreinte, et (ii) verser à la travailleuse une somme forfaitaire correspondant à 6 mois de rémunération, à titre de dommages et intérêts.

Que retenir de cette décision ?

Lorsqu’un travailleur handicapé au sens de la législation anti-discrimination émet une demande d’aménagement raisonnable, l’employeur ne peut y opposer un refus catégorique sans avoir démontré sa volonté de trouver des alternatives concrètes. La jurisprudence lui demande une certaine pro-activité dans la recherche de solutions.

L’obligation de mettre en place des aménagements raisonnables vaut même quand il n’y a pas de demande du travailleur à cet égard, comme mentionné dans notre post précédent.

Rappelons enfin que l’aménagement raisonnable n’est pas obligatoire s’il est disproportionné.