Dans un arrêt du 20 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles a été amenée à se prononcer sur un nouveau cas de violence morale.
Les faits sont les suivants : sur la base de rumeurs, le gérant d’une boulangerie effectue un contrôle inattendu dans une enseigne et demande à une travailleuse d’établir un décompte de la caisse. Un différentiel de 10 euros est constaté, ceux-ci étant retrouvés dans le « portefeuille de travail » de la travailleuse.
L’employeur lui laisse le choix : soit elle est licenciée pour motif grave pour cause de vol, soit elle signe un document stipulant un licenciement immédiat et volontaire sans indemnité compensatoire de préavis et moyennant délivrance par l’employeur d’un formulaire C4 « favorable » lui permettant de demander ses allocations de chômage. La travailleuse signe ledit document.
La Cour, sur la base des circonstances de la cause, conclut à la nullité de la lettre signée par la travailleuse pour cause de violence morale exercée par l’employeur. Les circonstances ayant emporté la conviction de la Cour sont les suivantes :
- La travailleuse a été prise au dépourvu à l’occasion du contrôle ;
- Elle a contacté son compagnon afin qu’il vienne l’assister mais a été contrainte de signer le document avant que celui-ci n’arrive. Elle n’a donc pas pu se faire assister utilement ;
- L’employeur lui a fait miroiter qu’en signant le document, elle recevrait un formulaire C4 favorable, ce qui va cependant à l’encontre de la réglementation relative au chômage qui exige, pour l’octroi des allocations, un licenciement involontaire ;
- Le document a été établi par l’employeur, le nom de la travailleuse n’y était pas correctement orthographié et la signature de la travailleuse n’a pas été expressément précédée de la mention « lu et approuvé » ;
- Un différentiel limité dans la caisse ne démontre pas en soi que le travailleuse entendait s’approprier celui-ci, d’autant plus que la journée de travail n’était pas finie et que le décompte final de la caisse n’était pas encore établi ;
- Aucune plainte pour vol n’a été déposée à la police ;
- Avant la signature du document, l’employeur n’a pas donné à la travailleuse l’occasion de consulter son organisation syndicale.
C’est sur la base de l’ensemble des considérations précitées que la Cour du travail a retenu qu’une contrainte illicite a été exercée sur la travailleuse et que cette contrainte a été déterminante dans la signature du document. La lettre est donc nulle.
La Cour en conclut que l’employeur a mis fin au contrat de travail de manière irrégulière. Il est dès lors redevable à la travailleuse d’une indemnité compensatoire de préavis.
Source : C. trav. Bruxelles, 20 juin 2017, R.G. n° 2016/AB/779.