Deal pour l’emploi et trajet de transition : de nombreuses questions en suspens

L’accord sur la réforme de l’emploi nous apprend que ce trajet vise à permettre aux travailleurs licenciés d’être occupés pendant le délai de préavis en cours auprès d’un autre employeur (appelé « employeur-utilisateur ») en vue de leur engagement définitif.

Ce que nous savons à l’heure actuelle selon les déclarations parues dans la presse :

  • Le trajet de transition sera organisé par les agences intérimaires ou les services de l’emploi (Actiris, Forem, VDAB).
  • La durée du trajet de transition sera limitée à la durée du délai de préavis. Un arrêté royal devra en fixer la durée minimale.
  • Pendant le trajet de transition, l’employeur continuera à payer le salaire, mais celui-ci sera imputé en tout ou en partie à l’employeur-utilisateur, conformément aux accords conclus entre les deux entreprises.
  • À la fin du trajet de transition, l’employeur-utilisateur devra engager le travailleur dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Si aucun recrutement définitif n’a lieu, l’employeur-utilisateur sera tenu de payer une indemnité au travailleur.
  • Le travailleur qui entre définitivement au service de l’employeur-utilisateur accumule de l’ancienneté dès le début du trajet de transition, mais conserve toute l’ancienneté qu’il a accumulée chez son précédent employeur pour le droit au crédit-temps, à l’interruption de carrière ou aux congés thématiques.

En l’absence de textes légaux disponibles, de nombreuses questions restent en suspens quant à la mise en place concrète du trajet de transition :

  • Tant l’intérêt du travailleur licencié que celui de l’employeur originaire d’entrer dans un trajet de transition paraissent évidents. Il est toutefois utile de s’interroger sur le rôle des agences intérimaires et des services régionaux de l’emploi. Leur intervention sera-t-elle obligatoire ?
  • Qu’en est-il des formalités à accomplir pour démarrer cette nouvelle relation ? Le travailleur restera-t-il sur le payroll de l’employeur, ou passera-t-il sur celui de l’agence intérim ou de l’employeur-utilisateur ?
  • Qui doit ou peut prendre l’initiative du trajet ? Le trajet de transition devient-il obligatoire dès que l’une des parties l’initie ? Ou repose-t-il entièrement sur un consensus entre l’employeur et le travailleur ? Si l’employeur propose le trajet, le travailleur doit-il l’accepter ou peut-il également choisir de continuer à exécuter son préavis ? Et si le travailleur propose un candidat employeur-utilisateur, l’employeur peut-il refuser de s’inscrire dans le trajet ?
  • Avant de démarrer le trajet, l’employeur doit-il informer l’employeur-utilisateur des raisons l’ayant poussé à rompre le contrat du travailleur ?
  • Qui prend en charge le coût des formations, des examens médicaux, etc. nécessaires pour l’employeur-utilisateur ?
  • Le travailleur sera-t-il couvert par la police d’assurance accident du travail de l’employeur-utilisateur ou continuera-t-il à bénéficier de l’assurance souscrite par son employeur ? 
  • Nous comprenons que la durée du trajet sera au maximum égale à la période de préavis.
    • Quant au déroulement du trajet (nécessairement pendant le délai de préavis), les causes légales de suspension du contrat de travail seront-elles d’application et auront-elles donc bien pour conséquence de prolonger la durée du délai de préavis/du trajet ? En cas d’incapacité de travail, le travailleur doit-il informer l’employeur-utilisateur, l’agence intérim, l’employeur originaire ou les trois ? A qui doit-il remettre son certificat médical ? A qui doit-il demander l’autorisation pour partir en vacances ?
    • Sera-t-il possible de convenir d’une durée inférieure au délai de préavis (p. ex. de semaine en semaine) ? Mais dans ce cas, le travailleur devra-t-il exécuter le solde du délai de préavis restant à courir et ensuite rejoindre son nouvel employeur (« employeur-utilisateur ») si ce dernier décide de l’engager ?
    • Dans le même ordre d’idée, l’employeur-utilisateur peut-il engager le travailleur avant l’échéance du trajet ?
  • Si on part généralement du principe que le trajet de transition ira jusqu’à son terme et le cas échéant débouchera sur un engagement définitif, certains évènements pourraient écourter le trajet de transition. On peut donc raisonnablement s’interroger sur la possibilité d’une fin anticipée du trajet de transition et ses conséquences :
    • L’employeur-utilisateur peut-il y mettre fin de manière anticipée si le travailleur ne convient pas ? Si oui, pour quelles raisons, dans quel délai, sous quelle forme ? Devra-t-il par analogie au délai de préavis payer une indemnité couvrant la durée restant à courir du délai de préavis (en plus de l’indemnité à payer vu l’absence de recrutement) ? Ou le travailleur devra-t-il poursuivre l’exécution de son délai de préavis auprès de son employeur originaire ?
    • Quid en cas de motif grave pendant le trajet ? Le travailleur peut-il être « licencié » pour motif grave ? Si oui, par qui ?
    • Le travailleur peut-il lui-même décider d’écourter le trajet de transition et poursuivre son délai de préavis auprès de son employeur originaire ? Si oui, pour quelles raisons, dans quel délai, sous quelle forme ? N’encourt-il pas des sanctions ?
  • Le travailleur qui refuse l’offre d’emploi de l’employeur-utilisateur au terme du trajet de transition pourra-t-il prétendre aux allocations de chômage ?
  • En l’absence de recrutement, quelle est la hauteur de l’indemnité due par l’employeur-utilisateur ? Existera-t-il pour ce dernier la possibilité de démontrer que le travailleur ne lui convient pas pour échapper au paiement de cette indemnité ? Le travailleur pourra-t-il contester cette décision et réclamer le paiement de l’indemnité ?

Vous l’aurez compris, nombreuses sont les interrogations qui trouveront réponse, espérons-le, dans les textes légaux à venir.