Un droit d’alerte pour les représentants des travailleurs au conseil d’entreprise ?

En juillet 2019, avec ajouts en janvier 2020, une proposition de loi a été déposée afin de prévoir dans le système de droit du travail belge un « droit d’alerte » et un droit d’expertise, dans le chef des représentants des travailleurs.

Concrètement, la mesure envisagée vise à permettre aux représentants du personnel, s’ils ont connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, d’exiger de l’employeur des explications sur la situation économique et financière de l’entreprise. Ils pourraient également exercer une investigation approfondie via une expertise indépendante.

Il s’agirait ainsi d’une compétence supplémentaire attribuée au conseil d’entreprise, également complémentaire aux dispositions légales devant par exemple être respectées en cas de licenciement collectif.

Les faits qui pourraient mener à l’activation d’une telle compétence ne sont pas précisés dans le texte de la proposition. Dans son commentaire, il est néanmoins indiqué qu’il pourrait s’agir d’une baisse importante et durable des commandes ou d’un fléchissement substantiel des investissements laissant présager une restructuration ou des licenciements.

En pratique, à la demande de la majorité de ses membres, le conseil d’entreprise pourrait demander à l’employeur des explications en cas de constat de faits préoccupants. En cas d’explications insuffisantes, les représentants des travailleurs pourraient exiger le droit d’établir un rapport détaillé sur la situation préoccupante, avec l’assistance d’un conseil externe et, également, de deux membres du personnel désignés en raison de leurs compétences. Sur la base du rapport, de nouvelles questions pourraient être posées à l’employeur, lequel serait tenu d’y répondre. En l’absence d’accord, l’intervention d’un conciliateur social pourrait être demandée.

A côté de ce droit d’alerte « économique », le texte prévoit également un droit d’alerte sur le plan social. Dans ce contexte, si le conseil d’entreprise (à la majorité de ses membres) venait à constater un « accroissement abusif » du nombre de contrats précaires (intérim, CDD, …), il pourrait demander à l’employeur que ce dernier fournisse des informations chiffrées sur l’utilisation de ce type de contrats. A nouveau, l’intervention d’un conciliateur social pourrait ensuite être de mise.

Ce droit d’alerte aurait pour objectif d’anticiper les risques et de proposer, en amont, des alternatives à une potentielle suppression d’emplois et/ou restructuration. Il est en effet estimé que le cadre légal actuel de communication d’informations au conseil d’entreprise ne suffit pas à l’exercice d’un réel contrôle des représentants des travailleurs, ni à une prévention efficace des risques sociaux ou économiques.

Le 17 mai dernier, le Conseil d’Etat a rendu son avis quant à la proposition. Ce sont essentiellement des adaptations formelles qui ont été suggérées, accompagnées de quelques demandes de précisions quant à l’organisation pratique de ce droit d’alerte.

L’avenir nous dira donc si le conseil d’entreprise disposera bientôt d’une nouvelle compétence dans le sujet souvent épineux que constituent les restructurations.  

Source : Proposition de loi du 10 janvier 2020 modifiant la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie, visant à créer un droit d’alerte économique et social au sein des conseils d’entreprise.