Peut-on rémunérer le temps de garde à domicile d’une manière différente du temps de prestation ? La Cour de Justice renvoie la balle aux juges nationaux tout en donnant quelques guidelines

Ce 9 mars 2021, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu deux arrêts concernant le temps de garde et la notion de temps de travail.

Le premier arrêt concerne un technicien travaillant dans un centre de transmission difficile d’accès et dont la distance entre son domicile et le centre ne lui permettait pas de faire les trajets quotidiennement et lui imposait donc, en pratique, de séjourner à proximité du centre. Ce technicien devait assurer des périodes de garde à domicile durant lesquelles il devait se rendre sur le lieu de travail dans un délai d’une heure au cas où il venait à être appelé.

Le second arrêt concerne un pompier devant régulièrement effectuer des services de garde à domicile depuis un lieu d’où il lui est possible de rejoindre les limites de la ville dans un délai de 20 minutes, le cas échéant en faisant usage de son véhicule de fonctions et en dérogeant au code de la route.

Dans les deux cas, les travailleurs concernés demandaient le paiement d’une rémunération à leur employeur, estimant que les périodes dites d’astreinte constituaient du temps de travail au sens de la directive 2003/88/CE.

Par ses deux arrêts, la Cour de Justice précise qu’il appartient aux juridictions nationales d’analyser au cas par cas si un temps dit « d’astreinte » peut être considéré comme du temps de travail. La Cour s’en réfère aux critères déjà établis dans sa jurisprudence antérieure notamment celui lié au délai imparti au travailleur pour se remettre au travail ou celui lié à la fréquence des interventions au cours des temps de garde ainsi que leur durée moyenne.

Quant au droit à la rémunération de ces heures et au quantum de rémunération, la Cour de Justice rappelle que la rémunération des périodes de garde échappe au champ d’application de la directive et ne relève dès lors pas du droit européen mais bien du droit national.  Elle déclare ensuite qu’il est possible que la rémunération allouée pour une période de garde diffère de la rémunération pour du temps de travail effectif, que ce soit en vertu de la loi, d’une convention collective de travail ou du contrat de travail lui-même.

En conclusion, cet arrêt nous rappelle qu’il peut être utile de penser à prévoir un encadrement formel de la rémunération des temps de garde à domicile de vos travailleurs en prévoyant, par exemple, une rémunération forfaitaire différente de la rémunération à laquelle le travailleur a droit en raison de ses prestations.  Cependant, il ne faut pas perdre de vue que si ce temps de garde à domicile peut être rémunéré d’une autre manière que le temps de prestation, pour l’octroi des repos compensatoires, il sera considéré comme du temps de travail.

Sources : C.J.U.E., arrêt du 9 mars 2021, affaire C-344/19, D.J. c. Radiotelevizija Slovenija et C.J.U.E., arrêt du 9 mars 2021, affaire C-580/19, R.J. c. Stadt Offenbach am Main