Un employeur peut-il encore retenir une cotisation syndicale sur le salaire de son collaborateur?

C’est, en substance, la question qu’a examinée la Chambre contentieuse de l’Autorité de Protection des Données (APD) dans sa décision quant au fond n° 72/2020 du 9 novembre 2020.

Pour rappel, le paiement d’une cotisation syndicale permet à la personne affiliée de bénéficier de certains services de la part de l’organisation syndicale correspondante, par exemple l’octroi d’une indemnité en cas de grève ou une aide juridique. Son montant dépend de la situation professionnelle ainsi que du secteur d’activité dans lequel travaille cette personne.

En l’occurrence, l’APD avait reçu la plainte d’un représentant syndical qui s’interrogeait sur la légalité d’une retenue à la source opérée par un employeur dès lors que l’appartenance syndicale constitue une donnée dite « sensible » au regard du Règlement Général européen sur la Protection des Données (RGPD). En ce cas, son traitement obéit à des règles plus strictes que celui de données à caractère personnel « ordinaires », à l’instar d’un nom ou d’une adresse email. A défaut, le risque existe, selon l’APD, que cette information pourrait être utilisée à tort pour faire pression sur les travailleurs ou les discriminer en particulier lors des procédures de promotion (§ 50).

De fait, l’APD a passé en revue l’ensemble des conditions requises lorsque l’employeur se prévaut du consentement donné par le travailleur concerné, tel que visé à l’article 9 (2) (1) du RGPD.

Ainsi, ce consentement doit non seulement être libre, spécifique, éclairé et univoque, mais il doit en outre être explicite. Cela sera le cas si l’employeur dispose d’un mandat écrit signé par le travailleur qui spécifie notamment, de manière explicite, que le traitement de cette donnée ne sera effectué que pour le prélèvement de la cotisation syndicale directement sur le salaire et que le travailleur a le droit d’y mettre fin à tout moment, s’agissant là d’une facilité accordée par l’employeur, et non d’une obligation (§§ 27-37). L’APD ajoute que cette facilité devrait faire l’objet d’une information explicite envers l’ensemble des travailleurs, et ce pour éviter les doutes que pourraient nourrir à ce sujet ceux qui ne sont pas concernés par ce traitement (§§50 et 51).

En d’autres termes, si toutes ces conditions sont rencontrées, cette retenue sur salaire ne poserait pas de problème au regard du RGPD, étant entendu que l’APD « botte en touche » sur la conformité de cette pratique avec l’article 23 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs qui interdit en principe toute retenue sur la rémunération, même en présence d’un accord préalable. A cet égard, il est fait état d’une tolérance de la part de l’inspection sociale vis-à-vis de laquelle l’APD s’estime incompétente (§§ 53 et 54).

Qu’en retenir ?

Que les employeurs et les organisations syndicales concernés vérifient si les demandes de retenue à la source sur salaire qui sont actuellement mises en place satisfont effectivement à l’ensemble des conditions exposées par l’APD.

Cette vérification s’impose d’autant plus que cette problématique ne semble pas isolée. Ainsi, dans sa décision n° 04/2020 du 3 mars 2020, l’APD avait déjà dû se pencher sur la plainte d’un travailleur contre son ancien syndicat en raison d’une retenue des cotisations syndicales « à la source » qui avait perduré alors qu’il n’y était plus affilié.

Un employeur et un syndicat avertis en valent deux…

Cette décision du 9 novembre 2020 de l’APD est disponible ici :

https://www.gegevensbeschermingsautoriteit.be/publications/beslissing-ten-gronde-nr.-72-2020.pdf