Jusqu’où l’employeur peut-il aller pour convaincre un travailleur de signer une convention de rupture d’un commun accord du contrat de travail ?

La Cour du travail de Liège, Division Namur, a considéré qu’une convention de rupture du contrat de travail d’un commun accord signée par le travailleur à la suite d’une réunion avec son employeur était valable et non entaché d’un vice de consentement. Et ce, même si au cours de celle-ci, l’employeur évoque son intention de procéder au licenciement pour faute grave du travailleur et l’éventuel dépôt d’une plainte pénale.

Les faits :

Un travailleur exerçant la fonction de vendeur au service d’une société active dans la vente de sanitaire est suspecté d’avoir commis un vol au sein de l’entreprise. Après avoir consulté les images des caméras de surveillance, l’employeur a été convaincu que le travailleur en question avait directement empoché le montant d’une facture payée par le client en espèces sans le mettre dans la caisse enregistreuse.

Quelques jours plus tard, le travailleur a été auditionné en raison de ces faits et il a, au cours de cette réunion, signé une convention de rupture de commun accord de son contrat de travail. Il a, par conséquent, été licencié sur le champ sans préavis ni indemnité.

Le travailleur a ensuite contesté la validité de la convention. Il estimait que l’employeur l’avait menacé de le licencier pour motif grave et de déposer une plainte à la police contre lui pour le vol commis. Ces circonstances dans lesquelles il a signé la convention démontreraient que son consentement a été vicié et que les conditions de la violence sont réunies.

C’est dans ce contexte que le travailleur a saisi les juridictions sociales afin de réclamer des indemnités vu la notification du congé qui serait irrégulière.

La décision :

La Cour rappelle, tout d’abord, que le consentement donné au moment de la signature d’une convention peut être vicié notamment pour cause de violence. Dans ce cas, la convention est frappée de nullité.

Afin de déterminer si la violence est ou non présente, la Cour examine ensuite les circonstances dans lesquelles la convention de rupture de commun accord a été signée. En l’occurrence, la Cour épingle les éléments suivants :

  • L’employeur disposait d’éléments suffisants pour envisager le licenciement et le fait d’auditionner le travailleur afin de lui proposer une rupture de commun accord (même si la convention est rédigée à l’avance) ne constitue pas un abus de droit ;
  • Le travailleur a admis avoir commis une erreur dont il minimise la gravité vu les pièces du dossier ;
  • Le ton utilisé dans les échanges entre l’employeur et le travailleur démontre que ce dernier n’a pas été « terrorisé » par le dépôt d’une plainte pénale ou à l’idée de faire l’objet d’un licenciement pour motif grave ;
  • L’absence d’avertissement et de remarques au préalable sont sans incidence compte tenu de la gravité des faits reprochés ;
  • Le texte de la convention est clair et court de sorte que le travailleur ne pouvait pas se méprendre sur son contenu. Ce type de convention n’exigeait pas de négociation ;
  • Le travailleur avait 5 ans d’ancienneté et il était en mesure de demander un délai de réflexion avant de signer la convention s’il le souhaitait.

Vu ce qui précède, la Cour a constaté que les conditions de la violence n’étaient pas réunies et que la convention de rupture de commun accord signée entre les parties était valable.

Que retenir ?

Cet arrêt rappelle qu’une convention de rupture d’un commun accord peut être annulée si elle est entachée d’un vice de consentement. L’existence de ce vice, en l’espèce de la violence qui suppose qu’une contrainte ait été exercée sur le travailleur, est appréciée en fonction des circonstances dans lesquelles l’accord est intervenu.

Source : C. trav. Liège (Div. Namur), 21 avril 2020, 16/1242/A.