Dans un arrêt rendu le 22 juin 2020[1], la Cour de cassation s’est prononcée sur la rémunération à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis d’une travailleuse licenciée alors qu’elle est en crédit-temps.
Les faits ayant donné lieu à l’arrêt commenté sont les suivants. Une travailleuse, engagée à temps plein dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, décide de prendre un crédit-temps, pour prendre soin de son enfant jusqu’à l’âge de huit ans. La travailleuse est ensuite licenciée par son employeur; celui-ci lui verse une indemnité compensatoire de préavis calculée sur la base de sa rémunération en cours, soit la rémunération correspondant aux prestations réduites.
La travailleuse décide de contester la décision de son employeur, estimant celle-ci discriminatoire au vu de ses prestations de travail réduites. Par ailleurs, la travailleuse et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (« IEFH ») – partie intervenante – font valoir qu’en tout état de cause, la rémunération à prendre en cours, tant pour le calcul de l’indemnité sanctionnant la discrimination que pour l’indemnité compensatoire de préavis, doit être celle en cours pour les prestations à temps plein de la travailleuse.
L’arrêt attaqué n’avait pas retenu cette thèse et suivait la jurisprudence constante, considérant que la base de la rémunération « en cours » de la travailleuse était celle afférente à ses prestations réduites, compte tenu de son crédit-temps. La Cour de cassation a cassé l’arrêt ainsi rendu. Le raisonnement de la Cour de cassation se fonde sur les enseignements existants de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de réduction des prestations en cas de congé parental.[2]
En effet, la Cour de justice de l’Union européenne a déjà jugé qu’une règle retenant la rémunération afférente aux prestations de travail réduites d’une travailleuse en congé parental comme étant sa rémunération « en cours » pour le calcul de son indemnité de licenciement, opère une discrimination indirecte, fondée sur le genre. Ainsi, dans la mesure où les femmes recourent de manière beaucoup plus fréquente que les hommes au congé parental, elles se retrouvent négativement impactées de manière disproportionnée par rapport à ceux-ci dans l’application d’une telle règle.
Désormais, la Cour de cassation étend ce raisonnement en matière de crédit-temps : dès lors, pour éviter une discrimination indirecte, l’indemnité compensatoire de préavis due à une travailleuse licenciée en crédit-temps dans le but de s’occuper de son enfant doit être calculée sur la base de sa rémunération à temps plein et non de sa rémunération réduite.
[1] Cass., S.19.0031.F/19, 22 juin 2020, www.juridat.be
[2] C.J.UE., C-486/18, Praxair MRC, 8 mai 2019, www.curia.eu