La loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel au conseil d’entreprise et au CPPT et pour les candidats délégués limite strictement les hypothèses dans lesquelles le licenciement d’un représentant du personnel est régulier :
• En cas de licenciement pour un motif grave préalablement admis par la juridiction du travail; et
• En cas de licenciement pour une raison d’ordre économique ou technique préalablement reconnue par l’organe paritaire.
Un licenciement hors de ces deux hypothèses est un licenciement irrégulier, ouvrant le droit au paiement de l’indemnité de protection constituée :
• D’une partie fixe (2, 3 ou 4 ans de rémunération selon l’ancienneté) ;
• D’une partie variable (la rémunération restant due jusqu’aux prochaines élections sociales) si le travailleur demande sa réintégration et que son employeur la lui refuse.
L’article 2, §1er, al. 2, 2° de la loi précise d’emblée que doit être considéré comme un licenciement « toute rupture du contrat de travail par le travailleur en raison de faits qui constituent un motif imputable à l’employeur ».
Cette notion ne doit pas être automatiquement assimilée à celle reprise à l’article 18 de la loi qui vise la rupture du contrat de travail par le travailleur en raison de faits qui constituent un motif grave à charge de l’employeur.
En effet, tel que mis en exergue par la Cour de cassation dans un récent arrêt d’octobre 2018, le régime des indemnités de protection n’est alors pas identique :
• S’il s’agit d’une rupture en raison de faits imputables à l’employeur, le travailleur aura droit à la partie fixe de l’indemnité de protection et à la partie variable uniquement si sa réintégration est demandée et refusée ;
• S’il s’agit d’une rupture en raison de faits qui constituent un motif grave à charge de l’employeur, le travailleur pourra prétendre à la partie fixe et à la partie variable de l’indemnité.
Le cas soumis à la Cour de cassation était celui d’un travailleur protégé ayant demandé la résolution judiciaire de son contrat de travail en raison du non-respect par son employeur des conditions contractuelles. En l’espèce, l’employeur ne respectait pas son obligation de fournir le travail convenu.
La Cour du travail d’Anvers avait admis qu’un tel manquement justifie la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, engendrant l’application du régime particulier de licenciement prévu par la loi du 19 mars 1991.
La Cour du travail n’avait toutefois aucunement précisé qu’un tel manquement constituait un motif grave dans le chef de l’employeur.
Elle a pourtant octroyé au travailleur protégé la partie fixe et la partie variable de l’indemnité de protection alors qu’il n’avait pas sollicité sa réintégration auprès de son employeur.
Ne précisant pas que le comportement de l’employeur constituait un motif grave au sens de l’article 18 de la loi, la Cour de cassation a dû constater que la Cour du travail ne pouvait condamner l’employeur au paiement de la partie variable de l’indemnité alors qu’aucune réintégration n’avait été demandée.
L’arrêt a donc été cassé. Une économie non négligeable dans le chef de l’employeur !
Source : Cass., 8 octobre 2018, S.14.0044.N