La motivation dans le cadre d’un licenciement collectif d’une travailleuse enceinte

La double motivation rendue nécessaire lors d’un licenciement, opéré dans le cadre d’un licenciement collectif, d’une travailleuse enceinte, accouchée ou allaitante

Si, dans le cadre d’un licenciement collectif la travailleuse enceinte, allaitante ou accouchée n’a pas de droit à une priorité au maintien de l’emploi, l’employeur a une double obligation de motivation.  C’est en ce sens que ce prononce la Cour de justice dans un arrêt du 22 février 2018. (arrêt C-103/16)

Dans le cadre d’une procédure en licenciement collectif, le choix des critères présidant aux décisions de licenciement sont toujours délicats.  La question est encore plus délicate lorsqu’il y a au sein des membres du personnel, des travailleuses bénéficiant de la protection de la maternité.

La Cour de justice s’est prononcée ce 22 février 2018 sur le sort de la protection de la travailleuse enceinte dans le cadre d’un licenciement collectif.  Les questions portaient sur les motifs à fournir lors d’un licenciement d’une travailleuse enceinte lorsque celui-ci intervient dans le cadre d’un licenciement collectif et sur un droit à une priorité de maintien d’emploi pour les travailleuses enceinte, toujours dans le cadre d’une telle procédure.

Le cas d’espèce soumis à la Cour de justice porte sur une affaire espagnole où, dans le cadre d’un licenciement collectif, un accord avait été conclu entre les partenaires sociaux en vue de déterminer les critères de sélection des travailleurs à maintenir dans la société ou à licencier.  Deux catégories de salariés étaient prioritaires pour le maintien dans la société : les couples et les employés ayant un handicap entraînant une incapacité de plus de 33%.  Une femme enceinte informée de son licenciement conteste celui-ci.  C’est dans ce cadre que la juridiction européenne est saisie de diverses questions liées à la protection de la maternité.

La première question qui nous intéresse porte sur un éventuel droit de priorité au maintien et au reclassement d’une femme enceinte, accouchée ou allaitante dans le cadre d’une procédure en licenciement collectif.  La Cour de justice, tout comme l’avocat général Sharpston, conclut que la femme enceinte, accouchée ou allaitante fait déjà l’objet de mesures protectrices qui sont propres à sa situation. En cas de licenciement collectif, elle n’a pas à faire l’objet d’une mesure de protection supplémentaire. Ainsi, les Etats membres de l’Union ne sont pas tenus de faire bénéficier à la femme enceinte d’une priorité de maintien en cas de licenciement collectif. La Cour ajoute que si cette surprotection n’est pas obligatoire, les Etats restent libres de la proposer.

La requérante demandait également à la Cour d’interpréter l’étendue de la notion d’interdiction de licencier contenue dans la directive 92/85 (reprise dans notre droit dans l’article 40 de la loi du 16 mars 1971) dans un contexte de licenciement collectif.  La Cour mentionne tout d’abord qu’une réglementation nationale qui autoriserait le licenciement d’une travailleuse enceinte en raison d’un licenciement collectif ne serait pas contraire à la directive sur la maternité et la protection contre le licenciement qu’elle contient.  

S’agissant de la motivation du licenciement d’une travailleuse enceinte, allaitante ou accouchée, la Cour déclare que les motifs non inhérents à la personne des travailleurs, qui peuvent être invoqués dans le cadre des licenciements collectifs au sens de la directive 98/59 sur les licenciements collectifs, relèvent des cas d’exception non liés à l’état des travailleuses au sens de la directive 92/85 sur la maternité. L’employeur ne devra pas donc nécessairement fournir d’autres motifs que ceux justifiant le licenciement collectif.  Mais cela ne le dispense pas de motiver et de doublement motiver.  À cet effet, les deux directives combinées exigent, selon l’enseignement de la Cour que l’employeur : « i) expose par écrit les motifs non inhérents à la personne de la travailleuse enceinte pour lesquels il effectue le licenciement collectif (notamment des motifs économiques, techniques ou relatifs à l’organisation ou à la production de l’entreprise) et ii) indique à la travailleuse concernée les critères objectifs retenus pour désigner les travailleurs à licencier. »    La conséquence, pour l’employeur est qu’il ne peut se contenter de se référer à la procédure de licenciement collectif pour justifier le licenciement, il devra être concret expliciter les critères retenus.