Nullité d’une convention transactionnelle en raison des pratiques dolosives d’un employeur

Dans un arrêt du 6 mars 2017, la Cour du travail de Liège (div. Liège) s’est prononcée sur la nullité d’une convention transactionnelle signée entre un employeur et une travailleuse (enceinte en l’espèce), pour cause de dol.

Les faits sont les suivants : 

Suite à la perte de son principal client, l’employeur communique au CE sa volonté de s’inscrire dans une phase de réflexion afin d’analyser les possibilités permettant de limiter les conséquences sociales de cette perte sur les travailleurs ; 

Dix jours plus tard, une décision de licencier est prise et le plan de licenciement est finalisé dans les moindres détails et annoncé au CE. La réunion du CE se clôture à 10h45 et les licenciements débutent le jour-même, au retour de la pause de midi ; 

Le nombre de licenciement se situe juste en-deçà des quotas entrainant l’application de la réglementation relative aux licenciements collectifs. La Cour considère dès lors que la direction a vraisemblablement voulu éviter tout ingérence des syndicats dans sa politique RH ; 

Les travailleurs licenciés ont appris au cours de la même journée la vague de licenciements et la perte de leur emploi. Immédiatement après l’annonce de leur licenciement, les travailleurs se sont vu soumettre une convention transactionnelle de plusieurs pages, rédigées en termes techniques et sans bénéficier d’un soutien effectif des représentants du personnel (ceux-ci étaient présents mais n’ont, entre l’annonce de la vague de licenciements et les licenciements, pas eu le temps de se référer utilement à leur organisation) ; 

Les travailleurs n’ont pas pu se renseigner ni réfléchir à tête reposée à leurs intentions alors même que l’effet de surprise amoindrissait leur esprit critique et que la Cour ne perçoit pas l’urgence qu’il y avait à signer ce document le jour-même. 

La Cour en conclut que l’employeur a créé un climat d’urgence oppressante dans un contexte de choc psychologique, d’effet de surprise et d’angoisse propre à la perte d’un emploi. Ce contexte a déstabilisé la travailleuse concernée. Celle-ci a signé une convention transactionnelle prévoyant que les montants payés l’étaient pour solde de tout compte, qu’ils comprenaient toutes sommes généralement quelconques dues en raison du contrat de travail, et qu’elle renonçait à toute autre demande à l’égard de la société. La travailleuse, par la signature de cette convention, a ainsi notamment renoncé à l’indemnité de protection de la maternité à laquelle elle pouvait prétendre. 

La Cour estime que l’employeur a ainsi fait usage de ce climat pour tromper la travailleuse afin de lui faire signer très rapidement ladite convention. Considérées dans leur ensemble, les mesures à laquelle l’employeur a recouru sont dolosives. En l’absence de ces mesures, il est évident que la travailleuse n’aurait pas marqué son accord sur la convention. 

La convention est donc nulle et doit être écartée. 

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège illustre donc un cas de convention transactionnelle nulle pour cause de dol, s’inscrivant de surcroit dans le contexte sensible d’une réduction de personnel. La nullité de cette convention a pour conséquence que la travailleuse conserve son droit d’introduire une procédure judiciaire à l’égard de son employeur. 

Source : C. trav. Liège, Div. Liège, 6 mars 2017, R.G. n° 2015/AL/726.