Obtenir la démission d’un travailleur sous la menace d’un licenciement pour motif grave – Attention au vice de consentement

Dans un arrêt du 20 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que les conditions dans lesquelles un employeur obtient la signature d’une lettre de démission, sous la menace d’un licenciement pour motif grave, sont fondamentales.

Ce sont ces conditions qui détermineront si l’employeur a ou non exercé une violence morale injuste ou illicite sur le travailleur, entrainant la nullité de la lettre de démission signée.

Les faits

Lors d’un contrôle de caisse, un employeur a accusé une travailleuse d’avoir créé un excédent de caisse de 10,00 € dans le but de les voler à son employeur.

Il l’a menacée de licenciement pour motif grave pour cause de vol et l’a ensuite convaincue de signer une lettre de démission immédiate et volontaire sans préavis ni indemnité, afin de se voir remettre un formulaire C4 avec un motif de chômage plus favorable.

La travailleuse a par la suite contesté la validité de son consentement lors de la signature de cette lettre de démission, invoquant la pression illégale exercée sur elle par son employeur pour obtenir son accord.

Dans un jugement du 2 juin 2016, le Tribunal du travail de Leuven a suivi la thèse de la travailleuse et a condamné l’employeur au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

L’arrêt

La Cour rappelle qu’il faut analyser les conditions dans lesquelles l’employeur a soumis à la signature du travailleur la lettre de démission litigieuse, afin de vérifier si oui ou non le travailleur a été soumis à une violence morale injuste ou illicite.

En l’espèce, la Cour relève les éléments suivants :

  • La travailleuse a pu contacter son mari mais a dû signer la lettre de démission avant qu’il n’ait le temps d’arriver sur place pour la conseiller.
  • L’employeur a prétendu qu’en signant une lettre de démission le travailleuse aurait un formulaire C4 avec un motif de chômage plus favorable, mais il a ensuite repris comme motif de chômage sur ce C4 « Abandon de poste », ce qui allait indubitablement entrainer une sanction au niveau du chômage.
  • C’est l’employeur qui a rédigé la lettre de démission, le nom de la travailleuse étant mal orthographié et la travailleuse ne l’a pas signée avec la mention « lu et approuvé ».
  • L’excédent de caisse reproché à la travailleuse ne démontre pas de façon claire et explicite qu’elle avait l’intention de se l’approprier, d’autant plus que le décompte de fin de journée n’avait pas encore été réalisé. Par ailleurs, les différents témoignages sont diffus.
  • La police n’a pas rédigé de plainte pour vol mais a seulement renvoyé la travailleuse vers son syndicat.
  • La travailleuse n’a pas pu obtenir les informations utiles de son syndicat au moment de la signature de la lettre.

Tenant compte de ce qui précède, la Cour a estimé que l’employeur avait exercé une pression illicite sur la travailleuse qui l’a poussée à signer la lettre de démission. En conséquence, cette lettre de démission est nulle.

La Cour a ainsi confirmé le jugement dont appel.

Source : Cour du travail de Bruxelles, 3e chambre, 20 juin 2017, R.G. : 2016/AB/779, http://www.juridat.be