Souvenez-vous : le 30 juin 2016, le législateur se faisait taper sur les doigts par la Cour constitutionnelle en raison de l’absence, pour les agents contractuels du secteur public, d’une protection analogue à celle prévue par la CCT 109.
Dans un jugement du 25 avril 2017[1], le tribunal du travail d’Arlon a considéré qu’il fallait combiner les règles de l’abus de droit avec celles de la CCT 109, en partant du raisonnement suivant : s’il y a licenciement manifestement déraisonnable, il y a une faute au sens de l’article 1382 du Code civil, et s’il y a faute, il doit y avoir réparation. Il a estimé que les motifs avancés par l’employeur n’étaient pas les véritables motifs du licenciement et que la situation qui lui était soumise justifiait une indemnité équivalente à 12 semaines de rémunération. Pour fixer le taux de l’indemnité, il a notamment tenu compte des critères suivants : la longue ancienneté du travailleur (10 ans), son âge avancé (58 ans), l’absence de formation de ce dernier et l’absence d’avertissement préalable de la part de l’employeur.
Dans une décision du 24 mai 2017[2], le tribunal du travail de Tongres a compris de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 juin 2016 qu’il fallait, face à une demande d’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable de la part d’un contractuel du secteur public, qu’il applique les principes du droit commun de la responsabilité sans discrimination entre les ouvriers et les employés du secteur public. Il a examiné si l’employeur avait usé de son droit de licencier d’une manière qui dépasse manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par un employeur prudent et diligent. Il a estimé que pour la détermination de l’indemnité, il pouvait s’inspirer de la fourchette prévue par la CCT 109 (3 à 17 semaines de rémunération), et non pas uniquement du principe d’indemnisation classique ex aequo et bono.
Dans l’espèce qui était soumise au tribunal, le travailleur avait été licencié pour des raisons de réorganisation. Le tribunal a estimé que l’employeur avait manifestement dépasser l’usage normal de son droit de licencier, dans la mesure où il n’avait pas tenté de réaffecter le travailleur (il avait même ouvert un nouveau poste qui aurait pu convenir à l’intéressé, sans le lui proposer). Il a fixé l’indemnité à un montant équivalent à 10 semaines de rémunération.
Le 16 juin 2017[3], c’est au tour du tribunal du travail francophone de Bruxelles de se pencher sur l’application de la CCT 109 à une contractuelle du secteur public. Ne s’encombrant pas de la nécessité de combiner licenciement manifestement déraisonnable et abus de droit, il a tout simplement appliqué la CCT 109 comme s’il avait affaire à un travailleur du secteur privé. Il a octroyé une indemnité équivalente à 17 semaines de rémunération (sans toutefois s’expliquer sur son choix de l’indemnité maximale).
L’employeur public avisé veillera donc à appliquer les règles de la CCT 109 lors du licenciement d’un de ses agents contractuels.
[1] Trib. trav. Liège, division Arlon, 25 avril 2017, R.G. n°16/3/A, inédit.
[2] Trib. trav. Anvers, division Tongres, 24 mai 2017, R.G.14/1451/A, inédit.
[3] Trib. trav. Bruxelles, 16 juin 2017, R.G. n°1511992/A, inédit.