L’absence d’intention malveillante ou la présence d’un hyper-conflit dans les relations de travail n’empêche pas le constat d’une situation de harcèlement moral sur le lieu de travail.
C’est ce qu’a décidé la Cour du travail de Liège, Division Namur, dans un arrêt du 31 janvier dernier mettant en cause une autorité publique.
En effet, afin de s’exonérer d’une situation très poussée de souffrance morale, la partie défenderesse invoquait que le harcèlement moral ne pouvait être retenu, notamment pour les deux raisons suivantes :
- La situation générale était en réalité une situation d’hyper-conflit entre la partie demanderesse (directeur) et un grand nombre d’agents de sa direction, ce pour quoi la partie défenderesse ne pouvait être tenue responsable ;
- Aucune malveillance ou animosité ne pouvait être retenue dans son chef.
Ce raisonnement n’a pas été suivi par la Cour, celle-ci distinguant clairement les notions de « harcèlement moral », de « hyper-conflit » et d’ « intention malveillante ». La Cour s’est ainsi prononcée comme suit :
Relativement à l’hyper-conflit :
« Le harcèlement moral au travail est parfois opposé au conflit ou à l’hyper-conflit, ou ces situations étant présentées comme exclusives du harcèlement moral au travail. Cette idée repose sur une conception selon laquelle le harcèlement moral serait nécessairement unilatéral et « masqué », là où l’hyper conflit serait bilatéral – ou multilatéral – et « ouvert ». La Cour relève que cette approche n’entre pas en ligne de compte dans la notion légale de harcèlement, ni dans l’interprétation à lui donner. L’hyper-conflit, qui n’est d’ailleurs nullement défini, n’exclut pas le harcèlement moral au travail lorsque les conditions de celui-ci, énoncées par l’article 32ter, alinéa 1er, 2° de la loi du 4 août 1996 précitée sont réunies. »
Relativement à l’intention malveillante :
La Cour a rappelé qu’étaient visés sous la notion de harcèlement moral tant les comportements intentionnels que ceux ne présentant pas ce caractère. La Cour s’est pour ce faire basée sur l’exposé des motifs de la loi du 10 mai 2007 (modifiant plusieurs dispositions relatives au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail dont celles relatives à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail) stipulant clairement que « certains tribunaux excluent de manière erronée les comportements non intentionnels en exigeant une intention malveillante ».
C’est ainsi que la Cour a décidé que même si elle voulait croire que la partie défenderesse n’avait pas agi de la sorte par malveillance ou dans le but de décourager la partie demanderesse, l’attitude passive adoptée n’a pu générer chez la partie demanderesse qu’un « sentiment hostile ou humiliant, d’absence de toute volonté de prendre ses difficultés en compte ou d’être sacrifié aux intérêts exclusifs des autres travailleurs ou de leurs organisations syndicales ».
Les deux notions étudiées ne sont donc certainement pas exclusives de celle de harcèlement moral.
Source : C. trav. Liège, Division Namur, 31 janvier 2017, R.G. n° : 2016/CN/3