Cotisations de sécurité sociale: sont-elles dues sur la partie de l’indemnité de rupture à laquelle le travailleur a renoncé ?

Dans son arrêt du 16 janvier 2016, la Cour de cassation a tranché cette question ayant donné lieu à des décisions contradictoires.

Le cas d’espèce se résume comme suit : un cadre supérieur est licencié. En application de l’article 82, §3 de la loi du 3 juillet 1978 (en vigueur jusqu’à l’instauration du statut unique), le tribunal accorde au travailleur une indemnité compensatoire de préavis correspondant à 9 mois de rémunération.

Pour faire l’économie d’une procédure d’appel, les parties concluent une transaction dans le cadre de laquelle elles s’accordent sur le paiement au travailleur d’une indemnité compensatoire de préavis de 6 mois.

L’ONSS informé de l’existence du jugement et de la transaction estime que les cotisations de sécurité sociale sont dues non pas sur l’indemnité de préavis (6 mois) réellement payée mais sur l’indemnité qui avait été fixée (9 mois) par le tribunal du travail et ce, au motif que :

  • le jugement avait conservé son autorité de chose jugée dans la mesure où il n’avait été ni infirmé ni anéanti ;
  • la transaction n’avait autorité de chose jugée qu’entre les parties, en conséquence de quoi la transaction ne lui était pas opposable en sa qualité de tiers.

Bien que le différend ait fait l’objet d’une décision définitive, encore susceptible d’appel, la Cour de cassation a dit pour droit que la transaction conclue par les parties litigantes par laquelle elles renoncent, l’une à des droits que lui reconnaît cette décision, l’autre à celui d’en relever appel, s’impose aux tiers tenus de reconnaître les effets qu’elle produit entre les parties contractantes.

Ainsi, il a été décidé que les cotisations de sécurité sociale n’étaient dues que sur le montant de l’indemnité de préavis réellement payée.

Cet arrêt ne peut nous empêcher de nous remémorer la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation selon laquelle l’obligation de payer des cotisations sociales n’est pas sujette au paiement du salaire que le travailleur peut revendiquer, mais uniquement à l’obligation de cette rémunération : la circonstance qu’un travailleur ne la revendique plus, bien qu’elle lui soit effectivement due, ou convienne avec l’employeur de la réduire ou de ne pas la payer n’empêche pas que les cotisations de sécurité sociale sont dues sur cette rémunération (Cour de cassation, 18 novembre 2002, RG: S020006N). L’obligation de payer les cotisations sociales sur un salaire dû en vertu d’une disposition de nature contraignante ne devient autrement dit pas caduque du fait de la conclusion d’un accord ou du fait de la renonciation par les travailleurs à cette rémunération.

S’agit-il d’un revirement de jurisprudence ? A notre sens pas. Une distinction doit en effet être opérée entre la rémunération (au même titre que la prime de fin d’année) qui est la contrepartie du travail et qui s’acquière au fur et à mesure des prestations, tandis que l’indemnité de rupture est due par l’employeur lorsqu’il ne respecte pas ses obligations légales, contractuelles ou statutaires.

Source : Cour de cassation, 16 janvier 2016, RG : S150040F1, www.juridat.be