Une preuve obtenue en violation du RGPD n’est pas forcément écartée

C’est en effet ce qu’a rappelé la Cour du travail de Liège dans un arrêt du 28 septembre 2022 à propos de l’utilisation d’un système de badge qui était initialement destiné à enregistrer le temps de travail des travailleurs mais qui l’a également été dans le but de pouvoir vérifier, en cas de suspicion de fraude, les heures d’accès au bâtiment de production.

Cette finalité supplémentaire de vérification n’avait pas été communiquée aux travailleurs.

Dès lors, même si la Cour du travail a considéré qu’il s’agissait là d’une finalité légitime pour laquelle il n’était d’ailleurs pas nécessaire pour l’employeur d’obtenir le consentement des travailleurs concernés, toutes les conditions du Règlement Général européen sur la Protection des Données (RGPD) applicables à ce traitement de données à caractère personnel n’avaient pas été respectées.

Cela n’empêche toutefois pas l’application de la jurisprudence dite Antigone, laquelle désigne une série de décisions rendues par la Cour de cassation en conséquence desquelles une preuve qui aurait été irrégulièrement obtenue ne sera écartée que si (i) la loi prescrit expressément le respect des formalités nécessaires sous peine de nullité, (ii) si l’obtention de cette preuve porte atteinte à sa fiabilité, ou (iii) si celle-ci compromet le droit à un procès équitable. 

Dans un premier temps, certaines juridictions avaient contesté l’application de cette jurisprudence en matière civile, et plus particulièrement en droit du travail. La Cour de cassation mit fin à cette controverse dans son arrêt du 14 juin 2021.

Dans le cas d’espèce qui lui était soumis, la Cour de travail de Liège a, sur cette base, considéré que la fiabilité de la preuve n’était pas entamée par les irrégularités constatées, et que le droit au procès équitable du travailleur avait été respecté : ce dernier avait en effet été informé par l’employeur de l’utilisation de ce système de badge pour enregistrer le temps de travail des travailleurs, et l’employeur l’avait averti qu’il utiliserait les moyens techniques à sa disposition pour contrôler le respect du pointage et celui des heures de pause durant l’horaire défini. En outre, le travailleur a pu porter le litige devant les juridictions du travail et débattre de la loyauté des éléments de preuve.

Qu’en retenir ?

Il importe évidemment de respecter les règles applicables, et notamment le RGPD en cas de « traitement » (entendu au sens large) de données à caractère personnel. En pratique toutefois, il arrive que, pour divers motifs, certaines dispositions soient méconnues, ce qui peut alors poser question lorsqu’on s’appuie sur des éléments de preuve qui auraient ainsi été « irrégulièrement » obtenus. Un cas n’est pas l’autre mais, en fonction des circonstances d’espèce, il demeure possible de pouvoir s’en prévaloir.