
Dans un jugement du 13 janvier 2021, le Tribunal du travail de Liège (div. Huy) a eu à connaître d’un licenciement pour motif grave fondé sur la découverte par l’employeur d’un nombre conséquent d’e-mails à caractère pornographique sur la boîte e-mail commune de l’entreprise à laquelle la travailleuse licenciée avait accès.
Le Tribunal rappelle tout d’abord la jurisprudence de la CEDH, laquelle a considéré à de multiples reprises que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la vie privée s’applique aussi dans la relation travail. Ceci implique que, pour accéder à la boîte email d’un travailleur, l’employeur doit respecter un certain nombre de conditions, dont celle d’avertir de la possibilité d’une surveillance des e-mails (par exemple, via l’établissement d’une Charte IP) ou, à défaut, d’obtenir l’accord du travailleur.
Le Tribunal précise ensuite que le fait que les emails aient été reçus ou envoyés depuis du matériel appartenant à l’employeur et dont le contenu est purement professionnel, sans aucune information de nature privée, ne justifie pas leur prise de connaissance par l’employeur sans l’accord du travailleur.
En l’espèce, le Tribunal du travail observe que la consultation de la boîte e-mail de la travailleuse ne reposait ni sur un règlement interne, ni sur son accord, au mépris de son droit à la vie privée. En conséquence, il considère que la prise de connaissance des e-mails reçus par la travailleuse a été irrégulière et ne les prend pas en considération pour se prononcer sur l’existence – ou non – d’un motif grave.
L’intérêt de cette décision est qu’elle s’inscrit dans une lignée de décisions qui ne font pas application du test « Antigone » pour juger de l’admissibilité – ou non – de la preuve irrégulièrement obtenue. D’où l’intérêt d’élaborer une Charte IP permettant de prévenir ce genre de situations.
Source : T. trav. Liège (div. Huy), 13 janvier 2021, R.G. 19/181/A, http://www.terralaboris.be