
Depuis 2014, la C.C.T. n°109 permet à un travailleur licencié de solliciter de son ancien employeur qu’il lui communique les motifs concrets ayant mené à son licenciement. Cette CCT permet également au travailleur d’introduire une procédure devant le Tribunal du travail pour licenciement manifestement déraisonnable (c’est-à-dire, un licenciement qui n’est pas basé sur un motif autorisé par la C.C.T. n°109 (attitude, aptitude du travailleur, nécessités de l’entreprise) et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable).
Dans l’hypothèse où une juridiction reconnait un licenciement comme étant manifestement déraisonnable, se pose systématiquement la question du quantum de l’indemnisation. En effet, la C.C.T. n°109 prévoit qu’un licenciement manifestement déraisonnable est sanctionné par une indemnité pouvant échelonner entre 3 et 17 semaines de rémunération.
Les tendances varient entre les différentes juridictions du pays, bien qu’assez régulièrement, l’indemnisation soit fixée à une moyenne de 10 semaines de rémunération sans que nous ne puissions toutefois identifier une justification constante dans ce contexte.
Dans un arrêt du 20 avril 2020, le Tribunal du travail de Liège, division Dinant, va également estimer un licenciement manifestement déraisonnable et le sanctionner d’une indemnisation de 10 semaines de rémunération. Cette fois-ci cependant, la juridiction va apporter une justification à ce quantum.
La situation était celle d’une travailleuse licenciée pour un motif de réorganisation. L’employeur justifiait le licenciement en indiquant que la société-mère de l’entreprise avait pris la décision de regrouper deux de ses filiales (la société belge et une société hollandaise), justifiant la nécessité d’engager un travailleur faisant état de compétences plus poussées que celles de la travailleuse licenciée.
Tout en admettant que, dans les faits, un regroupement avait bien eu lieu, le Tribunal a cependant dû constater que l’employeur ne démontrait pas la nécessité de procéder au licenciement de la travailleuse, ni le fait qu’il aurait été décidé qu’un profil plus spécialisé était nécessaire à l’organisation. Le Tribunal a dans ce contexte observé que l’employeur ne déposait aucune pièce attestant des décisions prises par la société-mère, des analyses des profils et des nouvelles compétences requises, etc. En d’autres termes, même si les documents fournis permettaient de constater l’évolution de la mise en œuvre du regroupement, la réalité des motifs économiques à la base du licenciement – et leurs conséquences en termes d’emploi – n’étaient pas démontrées.
En tant que tel, le Tribunal n’a donc pas estimé que le motif à la base du licenciement constituait un motif non-autorisé par la C.C.T. n°109 mais a par contre constaté que ce motif lié aux nécessités de l’entreprise – ou à tout le moins, son lien causal avec le licenciement – n’était pas prouvé.
S’agissant ainsi (uniquement) d’un défaut de preuve, le Tribunal a estimé que la gradation devait être appréciée tout à fait objectivement en ce que ni un minium, ni un maximum d’indemnité n’était justifié.
Une sanction moyenne a donc été appliquée, évaluée par le Tribunal à « un forfait de 10 semaines ».
A en suivre cette jurisprudence, un défaut de preuve d’un motif autorisé par la C.C.T. n°109 requiert ainsi une sanction intermédiaire.
Source : Trib. trav. Liège, 20 avril 2020, R.G. n°18/521/A.