Les actualités du droit disciplinaire dans la fonction publique : focus sur la motivation lorsqu’il s’agit d’une sanction disciplinaire lourde

Les peines disciplinaires présentent au sein de chaque statut peuvent être classées en trois catégories :

  • Les peines mineures : le blâme, la réprimande, l’avertissement ;
  • Les peines majeures : la suspension, la rétrogradation, la régression barémique, la retenue sur traitement ;
  • Les peines lourdes : la démission d’office et la révocation.

Lorsque l’autorité décide de prononcer une de ces peines, elle doit veiller à la motiver adéquatement le choix de la peine, de sa hauteur qui doit être en rapport avec les transgressions disciplinaire. 

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat se prononce sur la motivation adéquate d’une sanction de révocation.

  1. Les faits

Il est reproché à un agent d’avoir copié deux chèques-cadeaux d’une valeur de 50 € pièce d’un de ses collègues qui les avaient laissés durant quelques heures sur son bureau son surveillance. L’agent reconnaît les faits.  Pour sa défense, il prétend qu’il ne savait pas que ces chèques appartenaient à un collègue et indique qu’il dispose d’une pile importante de chèques cadeaux de telle sorte que quelqu’un aurait pu y introduire les chèques en question sans qu’il puisse s’en apercevoir.

Ce comportement est qualifié par l’autorité comme un acte grave d’indélicatesse et de nature à nuire à l’image de l’autorité. Pour ces raisons, l’agent a été révoqué.

Un recours en suspension et en annulation est introduit par l’agent contre la sanction lourde de révocation devant le Conseil d’Etat.

  • La décision du Conseil d’Etat

Dans le cadre du recours en suspension, le premier moyen d’annulation, prima facie, invoqué consistait en la violation du principe de motivation, des principes de bonne administration et plus particulièrement du devoir de prudence.

Lors de la phase préalable à l’adoption de la sanction et plus particulièrement devant le Chambre de recours, l’agent a fait valoir une série d’arguments portant uniquement sur le caractère « exagéré » de la proposition de sanction et non sur la gravité des manquements commis.  Bien que l’autorité ne doive pas réfuter tous les arguments avancés, la décision doit néanmoins laisser apparaitre que ces arguments ont bien été examinés et indiquer les raisons qui ont conduit à les rejeter. En l’occurrence, le Conseil d’Etat constate que l’autorité n’a réservé aucune réponse pertinente aux observations émises par l’agent concernant la sanction.

Par conséquent, le moyen invoqué est, prima facie, établi et la décision attaquée méconnait l’obligation de motivation et le devoir de prudence.

  • Que retenir ?

Il ne suffit donc pas, pour une autorité d’établir l’existence des faits, leur qualification de transgression disciplinaire et la gravité des faits.  L’autorité est dans l’obligation de donner les raisons pour lesquelles elle ne tient pas compte des arguments vantés par l’agent dans le cadre de sa défense. Cette obligation de motivation a cependant certaines limites puisqu’il ne peut être exigé de l’autorité qu’elle répondre à tous les arguments. 

Source : C.E., n° 244.062 du 29 mars 2019, XXXX.