
- Les faits
Un agent, professeur de chant dans deux académies de musique relevant de pouvoirs organisateurs différents est condamné par le Tribunal correctionnel pour avoir harcelé téléphoniquement une élève.
Vu la gravité de ces faits, une sanction disciplinaire de mise en disponibilité pour une durée de 3 ans lui est infligée par le pouvoir organisateur de la première académie de musique.
Une seconde sanction, de démission d’office cette fois, est notifiée à l’agent par le second pouvoir organisateur pour les mêmes faits.
L’agent sollicite l’annulation de la décision de démission d’office pour violation du principe de non bis in idem. Il estime qu’ayant été sanctionné pour ces faits une première fois, il ne pouvait subir de seconde sanction. Il poursuit en indiquant qu’en matière pénale, deux Tribunaux correctionnels n’auraient en aucun cas pu le condamner deux fois pour la même infraction.
2. La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat procède à l’analyse de l’étendue de non bis in idem au regard de règles concernant la procédure disciplinaire contenues dans le Décret du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l’enseignement officiel subventionné.
Le Conseil d’Etat déclare que le principe non bis in idem a une valeur législative et qu’il ne peut donc pas prévaloir sur une norme législative expresse, en l’occurrence le Décret du 6 juin 1994. Or, ce Décret prévoit explicitement que lorsqu’un agent « est occupé » à titre définitif par deux pouvoirs organisateurs distincts, il peut être poursuivi disciplinairement par chacun d’eux. Ainsi et en application du Décret, le Conseil d’Etat reconnaît la régularité des deux sanctions disciplinaires prononcées par pouvoirs organisateurs distincts.
Le recours est donc rejeté.
3. Que retenir ?
Tout d’abord qu’un même fait peut-être puni pénalement et disciplinairement. Qu’ensuite si l’application du principe non bis in idem fait obstacle à une double sanction du même ordre pour un même fait, cette limitation ne s’applique que pour l’autorité disciplinaire saisie de faits pouvant être qualifiés de transgressions disciplinaires. Ainsi, si l’agent relève de plusieurs autorités publiques et que chacune de ces autorités dispose d’un pouvoir disciplinaire autonome, le principe ne s’appliquera pas aux sanctions décidées par chacune de ces autorités.
Source : C.E., n°243.208 du 11 décembre 2018, Dufrasne