Les faits, soumis au Conseil d’état (1), concernent une mise à la pension d’office en raison de l’application de la l’article 83 de la loi du 5 août 1978 pour un agent qui, à dater de son 60ème anniversaire comptabilise plus de 365 jours d’absence.
Cette décision est contestée par l’agent qui évoque divers moyens d’annulation dont celui d’une violation de la réglementation en matière de discrimination. Selon l’agent, il est incontestable qu’il souffre d’un handicap au sens du décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination et de la directive 2000/78. Il en déduit que la décision de mise à la pension prématurée, fondée sur son incapacité de travail prolongée, constitue une discrimination indirecte sur la base du handicap puisqu’elle est fondée sur son état d’incapacité prolongé. Il constate également que dans le cadre de cette mesure de mise à la pension, aucune mesure d’aménagement raisonnable n’a été proposée. Or, l’absence d’aménagement raisonnable implique l’existence d’une discrimination fondée sur le handicap.
Dans le cadre de cet arrêt du 27 avril 2018, le Conseil d’état doit apprécier la compatibilité d’une décision de mise à la pension d’office avec le décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination, qui transpose notamment la directive 2000/78 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
Au titre de critère protégé, figure le « handicap » qui est une notion autonome de droit européen. Cette notion est évolutive, large et vue d’un point de vue fonctionnel. Elle est définie par la jurisprudence communautaire comme : « une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs. »
Dans son arrêt, le Conseil d’état rejette le recours en annulation en estimant que l’agent ne rapporte par la preuve de l’existence d’un handicap. Le Conseil mentionne à cet égard que si la pathologie lombaire du requérant est de mise, aucun élément du dossier ne permet d’établir, au jour de l’acte litigieux, l’existence du handicap au jour de la décision de mise à la pension. Sur cette notion de handicap, le Conseil d’état mentionne que la reconnaissance du handicap au sens de la législation nationale ne préjuge pas d’un handicap au sens de la directive 2000/78.
Le Conseil d’état rejette également les demandes de questions préjudicielles en estimant que :
– S’agissant de celle portant sur la compatibilité de l’article 83, §3 de la loi du 5 août 1978, comme l’agent ne prouve pas qu’il subît un handicap au sens de la directive, la question n’est pas pertinente.
– S’agissant de la question préjudicielle portant sur la différence de traitement entre les agents qui sont mis d’office à la pension (pour lesquels il n’y a pas d’analyse d’une possible réaffectation) et les agents mis à la pension pour inaptitude physique, les deux situations sont distinctes et ne sont pas comparables.
Que retenir de cette décision ?
– Tout d’abord qu’il revient au travailleur d’établir l’existence de son handicap. La simple affirmation d’une pathologie et du lien de cette pathologie avec une incapacité de travail de longue durée ne suffit pas à établir l’existence d’un handicap.
– Que pour établir l’existence du handicap, la référence au droit national est dénuée de fondement. En effet, la notion de handicap renvoie au droit européen. A cet égard, des différents arrêts de la Cour de justice, on peut retenir que :
- La limitation à la pleine et effective participation de la personne à la vie professionnelle doit être de longue durée. Sur ce caractère de durabilité, le fait que le travailleur relève d’un régime juridique (national) d’incapacité temporaire n’exclut pas que la limitation de la capacité soit durable;
- Les causes des atteintes et limitations sont indifférentes ;
- La notion ne requiert pas que les atteintes et limitations présentent un caractère définitif ;
- Les limitations constitutives du handicap ne doivent pas nécessairement être importantes ou substantielles ;
– Que c’est au moment où l’acte discriminatoire a été posé qu’il convient de se placer pour apprécier l’existence du handicap.
(1) C.E. , arrêt di 27 avril 2018, n° 241.342, Van Geel