Se faire passer pour un travailleur potentiel pour établir l’existence d’une discrimination, c’est possible mais dans certaines conditions !

Dans le cadre de la lutte contre les discriminations, on sait que la méthode de testing n’emporte pas tous les suffrages, certains la considérant comme une méthode de preuve déloyale.  Si toutefois rien n’empêche de recourir à ces tests, l’élément de preuve reste donc controversé.

Dans un précédent post nous évoquions l’Ordonnance de la Région Bruxelles-capitale qui prévoit la possibilité de recourir à ce testing pour les inspecteurs régionaux et ce, depuis le 1er janvier 2018.

Par une loi du 15 janvier 2018, le fédéral dote les inspecteurs sociaux de ce même outil.

En Région Bruxelles-capitale, une ordonnance du 16 novembre 2017, visant à lutter contre les discriminations en matière d’emploi en Région de Bruxelles-capitale, autorise, les inspecteurs régionaux de l’emploi, dans la Région Bruxelles-capitale, à réaliser des tests de situation ou des appels mystère dans le domaine de l’emploi et ce pour un critère potentiellement discriminant.

Les tests de situation peuvent être réalisés par les inspecteurs régionaux de l’emploi sous une identité d’emprunt et cela, par voie postale, électronique ou téléphonique. Les tests de situation consistent en l’envoi de deux CV identiques à l’exception du critère que l’on veut tester. Quant au « mystery shopping », il vise à vérifier par exemple qu’une entreprise de titres-services ou une agence d’intérim, n’accèdent pas aux demandes discriminantes d’un client.

Pour être régulier, ce test répondre aux conditions suivantes :

  • Il faut qu’il y ait une plainte ou un signalement ;
  • Il est nécessaire de disposer d’indices sérieux de pratiques susceptibles d’être qualifiées de discrimination ;
  • Le test et la manière dont il est pratiqué ne doit pas avoir un caractère provoquant ;
  • Le test doit être proportionné puisqu’il doit se borner à créer l’occasion de mettre à jour une pratique discriminante ;
  • Il ne peut avoir pour effet de créer, renforcer ou confirmer une pratique discriminatoire.

Quant aux suites données à ce test, s’il se révèle positif, l’inspecteur régional procède à l’audition de l’employeur et peut, le cas échéant lui imposer une sanction.

Une loi du 15 janvier 2018 portant dispositions diverses en matière d’emploi prévoit un dispositif similaire et intègre ces pouvoirs particuliers dans le code de droit pénal social.  À partir du 1er avril 2018, les inspecteurs sociaux auront le pouvoir, à la suite d’une plainte ou d’un signalement, de recourir aux tests de situation.

À l’inverse de l’ordonnance, la loi ne distingue pas l’appel mystère du test de situation.

Tout comme dans l’ordonnance, le test de situation est encadré par des conditions strictes pour qu’il puisse être considéré comme régulier.

Si les inspecteurs sociaux pourront se présenter comme clients ou clients potentiels, travailleurs ou travailleurs potentiels, la possibilité de recourir au testing ne vise que les critères de discrimination légalement protégés (cfr les lois du 10 mai 2007 relatives à la lutte contre la discrimination).

Il est nécessaire pour pouvoir recourir au test de situation :

  • Qu’il y ait une plainte ou un signalement ;
  • Qu’il y ait des indications objectives de discrimination soutenues par des datamining et du datamatching.  Ce point ne figure pas dans l’ordonnance de la Région Bruxelles capitale.
  • Il faudra l’accord préalable et écrit de l’auditeur du travail ou du procureur du Roi pour mener ce test.
  • Le test ne doit pas être provoquant et il doit être proportionné au regard du but recherché et se limiter à créer l’occasion de mettre à jour la pratique discriminatoire.

Les inspecteurs ne peuvent, bien entendu, commettre des faits punissables dans le cadre de cette mission, sauf si ces faits punissables sont nécessaires et autorisés par l’auditeur du travail ou le procureur du Roi.

A l’issue du contrôle, les inspecteurs sociaux doivent consigner toutes les actions entreprises et leurs résultats dans un rapport communiqué à l’auditeur du travail ou au procureur du Roi.  Il n’y a pas, comme en Région Bruxelles-capitale, d’audition automatique de l’employeur.

Ces deux réglementations signifient-elles que les tests de situation opérés en-dehors des conditions prévues par ces dispositions et par des personnes non habilitées seraient automatiquement déclarés irrecevables ? nous ne le pensons pas.   Cependant, la légitimité de tels tests menés par des quidam en-dehors de toute habilitation pourrait clairement être remise en question.