Un acte équipollent à rupture constitue une faute contractuelle: gare au risque d’indemnisation supplémentaire!

Dans le cadre d’une réorganisation interne en 2005, une société avait décidé de confier unilatéralement à un de ses collaborateurs en poste depuis 1976 une fonction nouvellement créée, mais dont la nature était radicalement différente de celle de son poste précédent.

Après avoir demandé sa réintégration dans son ancienne fonction, laquelle a été refusée, le travailleur en question a constaté la rupture du contrat de travail aux torts de la société sur la base d’un acte équipollent à rupture.

En application de la jurisprudence permettant à l’employeur d’exiger une certaine flexibilité du travailleur en cas de réorganisation de l’entreprise, le travailleur avait été débouté de ses demandes visant notamment le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, et ce tant en première instance qu’en appel.

Après que l’arrêt de la Cour du travail de Liège ait été cassé par la Cour de cassation, c’est la Cour du travail de Bruxelles qui a été saisie de l’affaire.

Cette dernière a réformé le jugement dont appel estimant que la nature de la fonction du travailleur, élément essentiel du contrat de travail, avait été modifiée de manière importante dès lors que :

  • le travailleur avait été occupé pendant 29 ans dans des fonctions opérationnelles dont celle, la dernière en date, de superviser une équipe de 4 contremaîtres et de 154 ouvriers travaillant sur un équipement industriel;
  • la nouvelle fonction attribuée était une fonction d’étude, de conseil et d’administration.

Dans son arrêt, la Cour a décidé que quelle que soit l’importance accordée par l’employeur à cette nouvelle fonction attribuée au travailleur, l’employeur avait rompu le contrat de travail par un acte équipollent à rupture.

En plus de condamner la société au paiement de l’indemnité de rupture, la Cour l’a également condamnée au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 10.000 EUR visant à compenser les frais de défense exposés par le travailleur dans le cadre de la procédure judiciaire. En application de l’article 1149 du Code civil disposant qu’en cas d’inexécution fautive d’une obligation contractuelle, le débiteur de l’obligation doit indemniser intégralement l’autre partie du dommage que celle-ci a subi, la Cour a relevé ce qui suit :

  • La faute contractuelle commise par l’employeur a en effet obligé le travailleur à recourir à une procédure judiciaire pour obtenir les indemnités lui étant dues en raison de son licenciement.
  • Vu la technicité de la matière, l’assistance d’un avocat était indispensable à la défense du travailleur.
  • Les frais d’avocat engagés par le travailleur ont donc été rendus nécessaires par l’acte équipollent à rupture commis par l’employeur, acte constitutif de faute contractuelle.
  • Il s’agit d’un dommage distinct de celui qui résulte de la perte de l’emploi.

A noter que la loi du 21 avril 2007 ayant introduit l’indemnité de procédure est entrée en vigueur après que le premier juge se soit prononcé, d’où l’octroi de cette indemnisation complémentaire. Pour la procédure d’appel, la société a été condamnée en plus au paiement d’une indemnité de procédure de 10.000 EUR.

Source: Cour du travail de Bruxelles, 6 février 2017, R.G.: 2014/AB/1074, http://www.juridat.be