Un licenciement manifestement déraisonnable et abusif en même temps… oui, c’est possible !

Un directeur technique qui avait fait l’objet d’un licenciement pour motif grave pour de nombreuses raisons invoquées (notamment des plaintes de clients, des refus de collaborer avec le conseiller en prévention, des arrivées tardives, etc.) en contestait le bienfondé.

Le travailleur estimait en outre que son licenciement était manifestement déraisonnable, ce pour quoi il réclamait l’indemnité la plus lourde prévue par la CCT 109, mais aussi qu’il était abusif, ce pour quoi il réclamait des dommages et intérêts évalués à 25.000 EUR.

La Cour du travail de Liège, division Liège qui a eu à connaître de cette affaire a décidé en ce qui concerne le motif grave, que la société n’établissait pas les faits invoqués à titre de motif grave. La société a en conséquence été condamnée au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis réclamée.

Ensuite, la Cour a déclaré le licenciement manifestement déraisonnable et octroyé au travailleur une indemnité correspondant à 10 semaines de rémunération. La Cour relève en effet que la société ne démontrait pas que le licenciement trouvait sa cause dans le comportement, la conduite ou les nécessités de l’entreprise, ni même que ce licenciement aurait été opéré par un employeur normal et raisonnable.

Enfin, la Cour est d’avis que les circonstances entourant le licenciement du directeur technique justifient qu’il soit retenu que la société a usé de façon abusive de son droit de licencier. En effet, la Cour a relevé que lors d’une réunion ayant eu lieu le même jour que le licenciement, le dirigeant de l’entreprise avait usé de voies de fait à l’encontre du travailleur (en le collant contre le mur) et avait évoqué des faits de vol ainsi que des problèmes d’alcool. Le dommage subi par le travailleur a été évalué à 5.000 EUR.

Que retenir de cet arrêt ?

Cet arrêt est l’occasion pour la Cour du travail de Liège de confirmer que les dommages et intérêts pour licenciement abusif sont cumulables avec l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable au motif que :

«  Les dommages et intérêts réclamés par le travailleur qui invoque l’abus de droit commis par l’employeur à l’occasion du licenciement réparent un dommage distinct de celui réparé par l’octroi d’une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable, l’un pouvant exister sans l’autre ; l’employeur pourrait parfaitement établir que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable et échapper au paiement de l’indemnité, alors que les circonstances entourant le licenciement justifieraient que celui-ci soit qualifié d’abusif. Par ailleurs, l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable sanctionne une absence de motifs justifiant raisonnablement le licenciement, alors que les dommages et intérêts pour licenciement abusif sanctionnent l’abus de droit de licencier commis par l’employeur. »

Source : C.T. Liège, division liège, 8 février 2017, 2016/AL/328, inédit.