Absence de protection contre le licenciement en cas de licenciement planifié avant le dépôt de la plainte

Dans deux jugements du 24 juin 2015, le tribunal du travail francophone de Bruxelles a estimé que deux travailleuses qui avaient déposé plainte pour harcèlement moral ne pouvaient bénéficier d’une protection contre le licenciement dans la mesure où leur licenciement avait été envisagé avant le dépôt de la plainte et n’était donc pas consécutif à celui-ci.

Les faits ayant donné lieu à cette décision intéressante peuvent être résumés comme suit:

Suite à plusieurs problèmes essentiellement relationnels avec deux travailleuses, la directrice d’une oeuvre sociale (une crèche d’entreprise) a sollicité auprès du conseil d’administration le licenciement des deux intéressées.

Cette demande a été mise à l’ordre du jour d’un conseil d’administration, conseil composé de manière paritaire des représentants de l’employeur et des représentants du personnel.

Avant que le conseil d’administration ne puisse se réunir pour se prononcer sur la demande de licenciement, une plainte pour harcèlement est déposée par les deux travailleuses. Le conseil d’administration ne sera toutefois pas informé de l’existence de la plainte le jour où il décide d’entendre les travailleuses en vue de leur licenciement.

Les travailleuses ne se présenteront pas à cette audition et leur licenciement sera décidé. Or, à cette date, la plainte aura été notifiée et partant les travailleuses bénéficiaient d’une protection contre le licenciement.

Le tribunal qui a eu à connaître de cette affaire estimera que l’employeur démontre à suffisance que le licenciement est fondé sur des motifs étrangers à la plainte – puisque décidé bien avant le dépôt de celle-ci – et refusera aux travailleuses le droit à une indemnité de protection.

L’intérêt de cette décision, dont les principes sont transposables à d’autres types de protection contre le licenciement (crédit-temps, maternité, etc.), réside essentiellement dans le fait que le tribunal s’est prononcé en ce sens sans se poser la question de savoir si le licenciement était ou non justifié. Selon le tribunal, le fait que le licenciement ait été envisagé (nonobstant le fait qu’il ait été mis en oeuvre plus de trois mois après) bien avant le dépôt de la plainte démontre en soi qu’il n’intervient pas en représailles à la plainte. Or, l’article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 (comme la plupart des autres protections contre le licenciement) édicte une interdiction de licenciement contre le licenciement-représailles.